Les discours des députés socialistes et apparentés lors du débat sur l’immigration

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

 

Chers Collègues,

 

Vous nous invitez aujourd’hui à un grand débat national sur la politique migratoire.

 

Très bien.

 

Je sais que nous sommes très nombreux dans cette Assemblée à connaître ces questions dans nos circonscriptions, et à être allés au moins une fois visiter un camp de migrants et leurs conditions d’hébergement.

 

Ce débat, il doit être abordé avec lucidité mais aussi avec un prisme politique qui ne peut pas être, selon moi, celui auquel nous invite le Président MACRON.

 

D’ailleurs, le simple fait que Jean-Marie LE PEN valide le discours du Président doit nous inquiéter collectivement.

Votre Majorité s’érige en rempart contre l’extrême-droite, mais vous en devenez la passerelle.

 

La politique migratoire concerne avant tout des êtres humains, qui ont un nom, un visage, et une Histoire.

 

Pour ma part, j’ai visité le Centre d’accueil pour mineurs isolés de Pantin ; et j’étais encore mercredi dernier à la porte de la Chapelle à Paris, pour rencontrer les demandeurs d’Asile du campement de migrants, et pour me rendre sur la fameuse colline.

 

A propos des campements de migrants dressés à travers la France par les demandeurs d’Asile, nous savons qu’il manque au moins 15.000 places d’hébergements.

 

La vision politique de mon Groupe est claire.

 

Si nous ne sommes pas favorables à un accueil inconditionnel au séjour, nous prônons avec de nombreuses ONG pour un hébergement inconditionnel des demandeurs d’Asile.

 

Il faut assurer des conditions d’accueil dignes au titre de nos obligations d’Asile et humanitaire.

 

D’ailleurs je rappelle que depuis 2015, l’indépendance de l’OFPRA qui est garantie par la loi est indissociable du respect du Droit d’Asile en France.

 

Il est alors complètement inconscient de penser qu’en laissant des être humains s’entasser dans la rue – dans des conditions indignes et insalubres – on en découragera d’autres de fuir la guerre ou la misère.

 

Ces 15.000 places d’hébergements nous pouvons les construire !

 

Laisser les gens à la rue dans ces conditions honteuses, c’est instaurer une « fabrique de la folie » qui ne fera qu’empirer la situation dans nos villes.

 

Alors quel but poursuivez-vous avec ce débat ?

 

Voulez-vous vraiment avancer de réelles solutions ? Nous serons vite fixés.

 

En ce moment, sur les bancs de la Majorité, tout y passe :

 

Stigmatisation des Albanais, stigmatisation des Géorgiens ;

 

Remise en cause de l’Aide Médicale d’État ;

 

Quotas migratoires, alors même qu’ils sont inefficaces et irréalisables.

 

On le sait, la déferlante migratoire ou le grand remplacement ne sont que des fantasmes dangereux et morbides.

 

En Janvier 2017, le candidat Emmanuel MACRON déclarait d’ailleurs au journal LeMonde que :  « Le sujet de l’immigration ne devrait pas inquiéter la population française. (…) Elle se révèle être une chance d’un point de vue économique, culturel, social ».

 

Alors qui croire ? Le candidat MACRON ? Le Président MACRON ?

 

Qu’avez-vous fait durant ces deux premières années ?

 

Vous avez voté la Loi Asile-Immigration, décriée jusque sur les bancs de votre Majorité !

 

Vous n’avez pas réagi lors de la nomination d’un « Commissaire européen à la protection de notre mode de vie ».

 

Vous avez laissé des collectivités locales complètement à l’abandon face à l’arrivée des demandeurs d’Asile.

 

Vous avez laissé criminaliser la solidarité. Et je veux redire ici mon soutien à Martine LANDRY traînée devant les tribunaux pour délit de solidarité.

 

Où est le « en même temps » ? Où est l’équilibre ? Lorsque le Président MACRON compare l’Humanisme au laxisme, alors le doute n’est plus permis sur vos intentions.

 

Mes chers collègues,

 

Comment ne pas évoquer aussi le combat que je mène depuis 4 mois aux côtés des travailleurs sans-papiers du site de CHRONOPOST d’Alfortville qui se sont mis en grève.

 

On leur refuse leurs revendications sociales au motif de leur irrégularité.

 

Je demande au Gouvernement : que faites-vous contre ces grandes entreprises qui entretiennent l’esclavage moderne pour démultiplier leurs profits ?

 

Pourquoi n’obtenons-nous pas de réponse de votre part ?

 

Une simple dénonciation de votre politique migratoire est insuffisante. Nous en avons conscience. C’est pourquoi nous proposons des solutions réalistes :

  • Mettre en place un « Visa humanitaire européen » comme demandé par le Parlement européen depuis 2016 ;
  • Construire un Droit effectif de l’Hospitalité ;
  • Instaurer un Fond européen d’accompagnement des collectivités locales ;
  • Anticiper les migrations climatiques ;
  • Établir des coopérations médicales avec certains pays ;
  • Assurer un accès effectif et gratuit aux services préfectoraux conformément à la loi, et comme le demande plus de 20 ONG
  • Harmoniser au niveau européen le droit d’Asile, en sortant du système des « dublinés », mais sans dégrader pour autant l’accueil des demandeurs

 

Mes chers Collègues,

 

Le « et en même temps » sur les Valeurs, ça ne marche pas.

 

Braconner sur les terres du Rassemblement National – alors que les Français eux-mêmes ne font pas de l’immigration un thème prioritaire – ne fera que les renforcer.

 

Vous êtes vous-mêmes en train de préparer un climat délétère à l’italienne.

 

Et au moment où nous compatriotes vous interrogent sur le devenir de leurs retraites et sur leur pouvoir d’achat, je vous le dis, vous vous trompez de débat, et vous vous trompez de priorités.

 

 

 

Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,

 

Vous avez donc décidé de placer à l’ordre du jour de notre Assemblée une déclaration sur la politique migratoire de la France et de l’Europe.

 

Sans vote à l’issue de cette discussion et sans la moindre prise de décision concrète, nous pouvons légitimement nous interroger sur la finalité de cette initiative. Une initiative qui nous écarte des priorités exprimées par nos concitoyens – c’est le cas du devenir des retraites ou du pouvoir d’achat.

 

Pire pour votre majorité, elle met en évidence les limites de la loi asile immigration. Débattue l’an dernier et déjà caduc, elle a tout juste fragilisé un peu plus l’accueil sans apporter de réponse aux problèmes rencontrés sur le terrain.

 

La question migratoire mérite d’être débattue avec sérieux et dignité.

 

Avec sérieux, car nos déclarations engageant l’opinion ne peuvent se tenir à partir d’éléments d’exagérations, de préjugés ou d’obsessions.

 

Avec dignité, car c’est bien le moins que notre République puisse faire vis-à-vis de femmes et d’hommes désirant avant toute chose de se construire un avenir meilleur que celui qui leur est cruellement promis dans leur pays d’origine en proie à la guerre ou à de graves crises.

 

Mes chers collègues, nous ne pouvons gouverner les Français par les préjugés sauf par finir soit même à être gouverné par les préjugés.

 

La France est loin d’être le premier pays d’Europe qui reçoit le plus de demandes d’asile. Rapporté à notre population, elle se situe au 11ème rang. Avec un solde migratoire représentant 7% l’équivalent des naissances en France, l’heure n’est certainement pas venue pour un « grand remplacement ».

 

Il est faux de parler d’appel d’air. Il est dégradant de parler « d’attractivité » puisque les droits ouverts aux migrants, même en situation irrégulière, sont à peu près équivalents en France à ce qu’ils sont chez nos voisins.

 

Je souhaiterai rappeler la réalité décrite par les associations humanitaires impliquées au quotidien et que nous avons reçues.

 

A l’unisson, elles dénoncent des faits suffisamment graves pour rappeler à nos consciences de ce qui se trame concrètement :

  • Les nombreuses violations systématiques des droits ;
  • Les prises en charge défaillantes des mineurs non accompagnés ;
  • En particulier pour pouvoir être soignés comme il se doit…
  • à ce stade il convient de rappeler l’ineptie de la soi disant « attractivité» de la France lorsque seulement 10% d’entre eux savent qu’ils peuvent se faire soigner « et en même temps » que 36% nécessitent des soins urgents… à l’image des terribles témoignages de situations précaires, nous ne pouvons concevoir que notre système de santé, un des meilleurs au monde, puisse être fermé aux personnes les plus fragiles vivant sur notre territoire. Dans ces conditions, nous bafouons nos valeurs de terre d’accueil ainsi que la logique de santé publique en laissant planer le doute sur une forme de tourisme médical.
  • Sans oublier les conséquences entravant l’action sincère et humaine envers les bénévoles agissant avec humanité et sincérité.

 

Finalement, quelle est la réalité aujourd’hui ?

 

Le droit de séjour n’est pas correctement appliqué soit sciemment par l’amplification d’une politique de dissuasion indigne, dont les ONG se font les témoins, soit parce que le droit n’est pas adapté à l’image du système de Dublin qu’il conviendrait de refonder amplement.

 

Le droit d’asile doit être garanti à toutes celles et tous ceux qui peuvent y prétendre conformément à notre tradition historique et à nos engagements internationaux. L’accès aux procédures doit être garanti voire même renforcé. De nouveaux droits au séjour complémentaires doivent être ouverts fondés sur des motifs déterminés de protection humanitaire.

 

Dans le cas particulier des mineurs, leur prise en charge doit être assurée sans condition par l’Etat et en veillant à la solidarité entre départements.

 

Le droit des étrangers doit être applicable et appliqué. Ce n’est qu’à ces conditions que le débat retrouvera la sérénité et la dignité qu’il commande.

 

Enfin, je rappellerai notre proposition incitant notre pays à porter dans les instances européennes et internationales une réflexion sur les migrations climatiques devant aboutir à une convention distincte de celle de Genève sur les réfugiés.

 

Finalement, l’humanité revient à reconnaître à chaque réfugié un droit à l’avenir.  La vérité veut que nos règles puissent s’adapter pour nous permettre de rester fidèles à ce que nous sommes et à ce que nous représentons dans le monde. Il ne vous reste plus que la volonté à moins que cela soit le calcul politique.

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