Les discours des députés socialistes et apparentés sur la loi bioéthique

Huit ans après la loi de 2011, notre assemblée est amenée à se pencher sur le présent projet de loi relatif à la bioéthique.

Il importe de rappeler que la France dispose d’un modèle particulier en la matière, puisque la législation relative à la bioéthique doit faire l’objet d’un réexamen tous les sept ans. Cette méthode de réflexion diffère de ce que l’on peut observer dans d’autres pays, notamment au Royaume-Uni et en Allemagne, où il n’existe aucune loi globale : les textes concernent un sujet particulier ; ils ne permettent pas de mener une réflexion d’ensemble sur la bioéthique, comme nous le faisons aujourd’hui.

Ce nouveau projet de loi s’inscrit dans un contexte particulier, du fait de l’accroissement des connaissances biomédicales et de l’accélération considérable du rythme des avancées scientifiques au cours des dernières années. Parce que le domaine de la bioéthique comporte des problématiques aux enjeux complexes, à la confluence de la science et de notre conscience, ce texte soulève, comme tous ceux qui l’ont précédé, de nombreuses interrogations : toute avancée scientifique est-elle un progrès pour l’homme ? Comment articuler la prise en considération du désir individuel avec la définition d’une vision collective ? Quelle doit être la place la médecine dans la prise en considération de ces désirs individuels ?

Je salue à mon tour les travaux menés par la commission spéciale : ses débats ont été très enrichissants et elle a d’ores et déjà tranché plusieurs points. Dès lors, le texte que nous examinons aujourd’hui en séance comporte de nombreuses avancées.

Pour résumer le débat que nous entamons, je citerai deux hommes, chacun précurseur à son époque, l’un semblant répondre en écho à l’autre à quatre siècles d’intervalle. En 1532, dans Pantagruel, François Rabelais écrivait : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Puis Albert Einstein affirmait : « La science est un outil puissant. L’usage qu’on en fait dépend de l’homme, pas de l’outil. »

C’est à l’aune de ces interrogations que s’ouvre le débat qui animera notre assemblée au cours des deux prochaines semaines. Nous pourrions le résumer ainsi : comment tirer parti de l’avancée de la science et des progrès qu’elle apporte, tout en inventant un modèle de régulation suffisamment solide pour encadrer les techniques nouvelles ?

J’en viens aux dispositions concrètes du projet de loi.

Celui-ci vise en premier lieu à étendre la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. Le groupe Socialistes et apparentés y est favorable. Nous formulerons d’ailleurs plusieurs propositions tendant à renforcer ce droit, qui font l’objet d’amendements que nous avons déposés.

Il s’agit, d’abord, d’autoriser la PMA post mortem. Nous considérons qu’il serait légitime de permettre à une femme veuve de poursuivre le projet parental entamé avec son conjoint défunt. En effet, comment ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser à une femme veuve la poursuite de son projet ?

Comment demander à une femme veuve de renoncer au projet parental engagé avec son conjoint défunt et lui imposer de le poursuivre avec un tiers donneur ?

Nous demandons ensuite que soit autorisé le don dirigé au sein des couples de femmes. Votre projet de loi tend à ouvrir le recours au double don de gamètes, c’est-à-dire la possibilité pour une femme de recevoir un don de spermatozoïdes et un don d’ovocytes. Aussi nous paraîtrait-il souhaitable qu’une femme puisse recevoir des ovocytes de sa compagne, plutôt que faire appel à des ovocytes provenant d’une tierce personne.

L’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires soulève, de façon corollaire, la question de la filiation. Plutôt que l’extension du droit commun actuel aux couples de femmes et aux femmes célibataires, c’est-à-dire le consentement au don enregistré chez le notaire, vous aviez choisi, mesdames les ministres, de créer une nouvelle procédure de reconnaissance de filiation spécifique pour les couples de femmes, la « déclaration anticipée de volonté », réalisée devant notaire, avec mention sur l’acte de naissance intégral.

Au sein de la commission spéciale, plusieurs d’entre nous ont considéré que cela relevait d’une conception discriminatoire de la filiation à l’égard des couples de femmes, puisque deux procédures de reconnaissance de filiation auraient coexisté : l’une de droit commun pour les couples hétérosexuels, l’autre dérogatoire pour les couples de femmes.

Finalement, face aux critiques suscitées par ce choix, vous avez en partie rebroussé chemin, en proposant une nouvelle procédure de reconnaissance de filiation pour les couples de femmes. Si cette nouvelle procédure constitue une amélioration par rapport à la déclaration anticipée de volonté, elle n’est pas entièrement satisfaisante, puisqu’il s’agit encore d’une procédure qui diffère du droit commun.

Autre sujet abordé par le texte : l’accès aux origines. Le projet de loi permettra à tous les enfants issus d’une PMA avec tiers donneur d’accéder à leurs origines. Une fois majeurs, ils pourront, s’ils le souhaitent, obtenir des informations non identifiantes ou identifiantes sur le donneur. Là encore, le groupe Socialistes et apparentés défendra plusieurs propositions visant à renforcer ce droit, notamment la possibilité d’étendre la transmission des données non identifiantes du donneur aux parents receveurs qui en feraient la demande.

Votre projet de loi ouvre également la possibilité d’une autoconservation de gamètes pour les femmes et les hommes, sans qu’il soit nécessaire de fournir un motif médical. Si l’on en croit l’étude d’impact, l’âge minimal requis devrait être fixé à 32 ans pour les femmes.

Nous soutenons la mesure tout en proposant de l’étendre à toutes les femmes majeures. En effet, de nombreuses femmes souffrent de pathologies, telles que l’endométriose ou l’insuffisance ovarienne prématurée, qui peuvent se déclarer très tôt dans la vie d’une femme. Or, si le droit actuel autorise la conservation des gamètes pour raison médicale, ces femmes se voient trop souvent refuser cette possibilité. Dès lors, si l’on ouvre l’autoconservation des gamètes à partir de 32 ans seulement, de nombreuses femmes risquent d’être exclues du dispositif.

Par ailleurs, le projet de loi tend à faciliter la recherche sur les embryons, d’une part, et sur les cellules souches embryonnaires, d’autre part, tout en créant deux régimes distincts, car les enjeux ne sont pas les mêmes. Il limite en outre la durée de culture et de conservation des embryons. Désormais, un chercheur aura seulement à déclarer au préalable son protocole de recherche, alors qu’il devait auparavant demander une autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine. Nous soutenons cette mesure.

Enfin, le projet de loi traite du diagnostic préimplantatoire, le fameux DPI, technique qui consiste à analyser un embryon avant de l’implanter dans l’utérus, pour en déterminer les éventuelles anomalies. Le DPI a été autorisé par la loi du 29 juillet 1994 uniquement pour les couples ayant « une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic », disposition qui n’a pas été modifiée par la loi du 6 août 2004. Jusqu’à présent, sauf erreur de notre part, cette pratique n’a donné lieu à aucune dérive.

Or, grâce aux progrès de la science, il est aujourd’hui possible de déterminer la viabilité des embryons ou le risque de fausse couche. Toutefois, la loi ne permet pas de procéder à des examens à cette fin. Par un amendement, nous proposerons donc d’étendre le DPI aux aneuploïdies chromosomiques – anomalies du nombre de chromosomes –, dans des conditions fixées par décret. Cela permettrait de réduire le taux de fausses couches et d’interruptions médicales de grossesse.

Je l’ai indiqué en préambule, grâce aux travaux nourris et enrichissants de la commission spéciale, le texte a évolué, dans le bon sens selon nous. Bien entendu, nous espérons que les amendements que nous avons déposés seront adoptés, mais, quelle que soit l’issue de nos travaux, le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi.

 


 

Je n’évoquerai ni la PMA et la filiation, ni la recherche sur l’embryon, sur lesquelles nous aurons de nombreuses occasions de revenir ; je m’en tiendrai, conformément à ma mission de rapporteur, au titre II, qui concerne le don d’organes.

Donner un organe, le faire de son vivant ou y consentir après la vie, approuver un prélèvement sur un parent ou sur un enfant, et même recevoir d’un inconnu cet improbable cadeau : rien, dans le don d’organes, n’est anodin.

Dans son ouvrage Réparer les vivants, la romancière Maylis de Kerangal invite à des réflexions qui, souvent, dérangent lorsqu’il s’agit de s’imaginer soi-même vivant un peu dans le corps d’un autre ; elle s’intéresse à celui qui donne, mais aussi à celui qui espère – parfois ardemment – recevoir. Ainsi évoque-t-elle « ceux qui attendent, dispersés sur le territoire […], des gens inscrits sur des listes selon l’organe à transplanter, et qui chaque matin au réveil se demandent si leur rang a bougé, s’ils sont remontés sur la feuille, des gens qui ne peuvent concevoir aucun futur et ont restreint leur vie, suspendus à l’état de leur organe ».

En France, le don d’organes et de tissus est rigoureusement encadré. Il est régi par les lois successives de bioéthique et par trois grands principes : le consentement présumé ; l’anonymat du donneur pour le receveur, et réciproquement ; la gratuité, qui proscrit la marchandisation du corps. Si ces principes n’ont pas en eux-mêmes valeur constitutionnelle, ils sont nécessaires à la mise en œuvre du principe de sauvegarde de la dignité humaine qui est, lui, un principe à valeur constitutionnelle.

Bien moins médiatisé que le titre I, notamment que l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, le don d’organes n’en est pas moins un sujet majeur ; d’abord, en raison des espoirs d’améliorer le niveau des dons ; ensuite, parce que la France est très souvent regardée pour ses dispositions en la matière et pour son avance technique dans le domaine de la transplantation.

C’est en France, en 1952, qu’a eu lieu l’une des premières tentatives de greffe à partir d’un donneur vivant, réalisée par l’équipe de Louis Michon à l’hôpital Necker, à Paris. C’est aussi à la France, dès la fin des années 1960, que l’on doit parmi les premières greffes réussies d’autres organes que le rein, notamment celles du cœur. Ainsi, grâce au professeur Edmond Henry, Emmanuel Vitria a vécu de 1968 à 1987 avec un cœur transplanté. Puis, il y a tout juste dix ans, à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, une équipe médicale réalisait un exploit en procédant à une greffe simultanée du visage et des mains sur un homme gravement brûlé.

La transplantation, qui a longtemps relevé de la prouesse technique et scientifique, est désormais une pratique éprouvée, même si elle demeure naturellement complexe et délicate. Elle est aussi chargée de symboles et d’interrogations quant à l’usage des produits du corps, qui ne seront jamais les pièces interchangeables d’un véhicule automobile.

Explanter, implanter : le don d’organes ne connaît pas les catégories sociales, les différences entre les générations ni les couleurs de peau – les frontières que la société et, surtout, les politiques peuvent parfois créer.

La transplantation est devenue, en quelques années, une prescription fréquente, notamment parce qu’elle est techniquement bien maîtrisée par les équipes médicales françaises. La France est, d’une certaine manière, victime d’un niveau de demande élevé au regard duquel l’offre apparaît très insuffisante, et même de plus en plus insuffisante.

Ainsi, chaque année, les nouveaux patients en attente de greffe inscrits sur le registre national sont plus nombreux. Soixante ans après les premières transplantations d’organes, seuls 6 105 patients ont pu être greffés en 2017, quand plus de 28 000 personnes étaient en attente d’un organe, dont près de 19 000 en attente d’un rein.

Pour les seules greffes rénales, 3 543 ont été réalisées en 2018 alors que plus de 5 000 nouveaux patients sont inscrits annuellement sur le registre.

De ce point de vue, la France affiche un retard sensible sur certains de ses voisins : en Norvège, par exemple, plus de 70 % des patients sont transplantés, et en Espagne, au cours des cinq dernières années, le taux de don d’organes a progressé de 37 %, passant de 35 à 48 donneurs par million d’habitants en 2018, contre 27 en France.

S’agissant des transplantations rénales, dans plus de la moitié des cas, une incompatibilité entre la personne qui souhaite donner et la personne malade fait obstacle au projet. En cas d’incompatibilité entre le patient et le proche souhaitant donner, il est possible à celui-ci, depuis la loi de bioéthique de 2011, de prendre part à un don croisé – théoriquement, tout au moins : malgré des initiatives de l’Agence de la biomédecine et des acteurs de terrain pour développer le don croisé, seules dix greffes ont été réalisées dans ce cadre pour la période 2014-2016, et le programme a été tout bonnement abandonné.

Tout le monde en convient, il est donc nécessaire d’augmenter le nombre de paires à croiser pour accroître les chances de repérer un donneur compatible. Il faut également en finir avec la simultanéité des opérations de prélèvement et de greffe, notamment à cause des contraintes de disponibilité des blocs opératoires – il faut quatre blocs pour réaliser simultanément deux prélèvements et deux greffes. Le projet de loi met fin à cette exigence en prévoyant, d’une part, que les opérations de greffe pourront se dérouler dans un délai de vingt-quatre heures maximum et, d’autre part, qu’elles seront réalisées consécutivement aux prélèvements.

Concernant le nombre de paires de donneurs et receveurs impliquées, le projet de loi proposait initialement de passer de deux à quatre paires, ce qui a soulevé des débats au sein de la commission spéciale quant à l’extension possible et souhaitable du nombre de paires. Il a finalement été convenu de renvoyer la fixation du plafond à la voie réglementaire, afin de pouvoir adapter le dispositif en cas d’amélioration des pratiques et des techniques.

Ces dispositions sont clairement de nature à améliorer les prélèvements et les transplantations et sont attendues par de nombreux médecins, patients ou associations.

Dans un autre registre, je me réjouis aussi des évolutions relatives aux majeurs protégés et aux mineurs, qui pourront faire don de cellules souches hématopoïétiques à leurs parents. S’il s’agit évidemment d’un recours ultime, il est parfois incontournable pour des raisons de compatibilité.

S’agissant des mineurs, seul le don de cellules souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications. Il est autorisé aujourd’hui, à titre exceptionnel, au bénéfice de la parentèle, mais à l’exception des parents ; il apparaissait nécessaire de l’étendre aux pères et mères lorsqu’une solution thérapeutique appropriée fait défaut.

Pour les majeurs protégés, le régime relatif au prélèvement de cellules souches hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique est aligné sur celui des mineurs et également étendu aux parents. En cohérence avec le droit civil, la procédure dépend évidemment de la faculté de la personne majeure à exprimer son consentement. Ainsi, les personnes majeures faisant l’objet de mesures de protection avec représentation à la personne, et qui ne sont pas en capacité d’exprimer leur consentement, continueront d’être protégées par les mêmes interdictions et encadrements qu’auparavant concernant le don d’organes, de tissus, de cellules ou de tout produit du corps humain.

Le titre II facilite également l’accès aux données génétiques pour permettre de soigner efficacement la parentèle. Cet accès s’effectuera dans un cadre médical strict, garantie d’un accompagnement efficace, pour autant qu’un nombre suffisant de professionnels qualifiés en génétique soit formé.

S’agissant des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur, un amendement adopté en commission spéciale enjoint au médecin prescripteur de saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation lorsqu’est diagnostiquée une anomalie génétique pouvant être responsable d’une affection grave. Les commissaires ont ainsi voulu s’écarter du projet gouvernemental, qui ne prévoyait qu’une information facultative.

Le projet de loi comporte de nombreuses avancées, nous l’avons vu ; mais chacun ici a conscience du besoin immense d’améliorer la chaîne du don. Il faut imaginer le patient en attente de greffe, en qui l’espoir laisse parfois place au découragement. Ces avancées, si souhaitables soient-elles, ne résoudront pas tout, et elles soulèveront d’autres interrogations quant aux prochaines étapes à franchir pour que, un jour, l’espoir ne se dérobe plus : sur l’extension du nombre de paires de donneurs et receveurs dans le cadre d’un don croisé – nous savons que ce nombre n’est pas limité dans des pays voisins du nôtre ; sur notre capacité organisationnelle à améliorer les process de transplantation.

Je ne doute pas que, sur toutes ces questions, et sur celles qui s’invitent dans le débat – je pense au business des tests génétiques –, nos échanges apporteront le meilleur éclairage, dans l’esprit qui a présidé jusqu’ici à nos discussions.

 


 

Ce projet de loi relatif à la bioéthique n’est pas un texte législatif comme un autre. Nous savons le sujet sensible et nos perceptions bien différentes. Nous savons le texte à la fois attendu et craint. Nous savons que les convictions philosophiques, sociétales, religieuses ou morales de chacun, du législateur comme des citoyens, pèsent dans ce qui est à la fois un débat de société et un questionnement profondément intime.

Plus encore que d’habitude, il nous est demandé, chers collègues, de nous engager sur le chemin étroit et difficile qui conduit à lier une société en évolution permanente au droit qui la régit. À quel point faut-il que les évolutions scientifiques et les pratiques sociales dictent le droit ? Dans quelle mesure le droit doit-il régir, encadrer ou freiner une société en mouvement ? Voilà les questions auxquelles le législateur essaie de répondre depuis une trentaine d’années et sur lesquelles il nous est demandé de nous prononcer à nouveau aujourd’hui.

Depuis 1994, les lois d’éthique ou de bioéthique se sont succédé à un rythme régulier. Si les premiers textes étaient d’abord et avant tout des lois d’interdiction, celui qui est aujourd’hui soumis à la représentation nationale me semble animé par un esprit d’ouverture, ce dont il faut se réjouir. Le projet de loi comporte en effet un certain nombre d’autorisations nouvelles, qui peuvent constituer autant de droits nouveaux pour l’ensemble de nos concitoyens.

Six ans après la loi de 2013 dite du mariage pour tous, le présent texte prend en considération les évolutions récentes, qu’elles soient médicales, scientifiques, technologiques ou sociétales, et propose, au moins en partie, des réponses aux questions qu’elles soulèvent. Il cherche à ouvrir de nouveaux horizons et à encadrer plutôt qu’à fermer. Parmi ces avancées, il convient de citer tout particulièrement l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

En supprimant le critère médical de l’infertilité pour pouvoir recourir à la PMA, l’article 1er du projet de loi entend répondre à une aspiration sociétale forte. En effet, selon un récent sondage de l’Institut français d’opinion publique – IFOP –, six Français sur dix sont favorables à une telle extension.

Cela répond également à une détresse, celle des femmes contraintes d’aller à l’étranger, en Belgique, en Espagne ou au Danemark, pour y recourir. Cela tout à la fois mettra un terme à l’hypocrisie entourant une situation connue de tous et permettra de sortir nombre d’enfants de la clandestinité et de leur octroyer les droits qui sont les leurs, à savoir les mêmes que ceux dont bénéficient les autres enfants.

D’ailleurs, les travaux et auditions menés par la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi ont mis en lumière le fait qu’il n’existe aucune étude ni aucun argument objectif permettant d’affirmer que ces enfants seraient moins bien élevés ou auraient moins de chances de réussite ou d’épanouissement que les autres.

J’invite ceux qui auraient des inquiétudes concernant l’avenir de ces enfants à porter davantage leur attention et leurs forces sur la lutte contre le déterminisme social, qui, malheureusement, sclérose toujours une société profondément inégalitaire et dicte le parcours des individus, et cela quelle que soit l’orientation sexuelle de leurs parents.

En prévoyant que la prise en charge par la sécurité sociale des tentatives de PMA soit identique pour toutes celles qui y recourent, le projet de loi vise à éviter toute forme de précarisation ou d’inégalité qui pourrait s’opposer à la volonté de chacun de mener un projet parental. Ce refus des inégalités est louable et nous le partageons sans réserve. C’est pourquoi nous aurions aimé qu’il inspire l’ensemble du texte du Gouvernement, et non certaines de ses dispositions seulement.

En instaurant un nouveau mode d’établissement de la filiation appelé déclaration anticipé de volonté, exclusivement applicable aux enfants nés d’une PMA réalisée au sein d’un couple de femmes, l’article 4 du projet de loi venait contredire cet esprit d’ouverture et portait en lui-même les germes d’une double discrimination. Une première était établie entre les parents : rien ne justifiait en effet que le mode d’établissement de la filiation variât en fonction de leur sexe. Une seconde était établie entre les enfants : ceux nés d’une PMA exogène utilisée par un couple de femmes auraient vu la DVA inscrite sur leur acte de naissance alors que cela n’aurait pas été le cas de ceux nés d’une PMA utilisée par un couple hétérosexuel.

Une telle solution était insoutenable parce que discriminatoire. Ce n’est que par suite des doutes exprimés durant les travaux menés par la commission spéciale que le Gouvernement a décidé de revenir sur cette injustice, en proposant de réintégrer les dispositions relatives à la filiation des enfants nés d’un couple de femmes dans le titre VII du code civil.

Cependant, je me vois contrainte de dire que cette solution n’est toujours pas acceptable en l’état puisqu’un régime dérogatoire demeure pour les couples de femmes. En effet, celles-ci devront établir le lien de filiation en recourant à une reconnaissance conjointe et anticipée de l’enfant devant notaire. En d’autres termes, alors que le projet de loi initial prévoyait une déclaration anticipée de volonté, l’amendement gouvernemental instaure une déclaration commune anticipée de volonté, ce qui n’est pas moins discriminatoire.

Pourquoi, dans un cas comme dans l’autre, le Gouvernement privilégie-t-il une solution discriminatoire et stigmatisante à l’encontre des couples de femmes ? C’est en totale contradiction avec la volonté de leur ouvrir le droit de recourir à la PMA, et c ’est en totale contradiction avec l’esprit de nos travaux et avec l’évolution d’une société qui aspire à l’égalité. C’est un peu comme si vous nous demandiez de créer de nouveaux droits pour des citoyens et, en même temps, de les stigmatiser pour cela. Quand on donne de nouveaux droits, il faut l’assumer et défendre ces droits plutôt que de donner des gages à ceux qui les combattent.

La question se pose d’autant plus qu’une autre solution, qui permettrait de remédier à de telles discriminations, est envisageable. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé deux amendements en ce sens.

Le premier vise à étendre le droit actuel aux couples de femmes mariées, afin que celles-ci n’aient à faire qu’un consentement au don devant notaire, comme le prévoit l’article 311-20 du code civil.

Le second tend à sécuriser la filiation des enfants nés au sein d’un couple de femmes, en étendant aux couples de femmes le régime juridique actuellement applicable aux couples composés d’un homme et d’une femme prévu à l’article 311-20 du code civil. Deux femmes pourraient ainsi signer ensemble devant un notaire un consentement postérieur au don, sous réserve de production de preuves révélant le lien de filiation entre l’enfant et sa deuxième mère. Cela sécuriserait la filiation des enfants qui n’ont pas pu être adoptés par leur seconde mère dans le cas où le couple se serait séparé avant la loi de 2013 ou avant que l’adoption ne soit prononcée.

Une telle solution sécuriserait parfaitement non seulement la situation des parents, mais aussi celle de l’enfant, vu que ces familles n’ont actuellement aucun moyen de faire reconnaître la filiation. Elle aurait en outre le mérite de la cohérence, puisque l’article 311-20 du code civil garantit l’établissement de la filiation dès lors que le consentement à l’assistance a été donné, mais n’empêche pas de la contester si le consentement a été privé d’effet ou si l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation.

Comme vous le voyez, il existe une solution pour sécuriser l’établissement de la filiation pour les couples de femmes ayant recours à l’assistance médicale à la procréation, tout en éliminant toute forme de discrimination et sans bouleverser le droit existant ni la situation juridique des couples hétérosexuels. Puisqu’il n’y a en la matière aucune fatalité et que la solution dépend du législateur, il serait dommage que l’avancée que représente l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires aboutisse à une situation injuste et stigmatisante pour celles-ci.

D’autre part, si le projet de loi veut véritablement être un texte d’ouverture, il se doit de répondre à toutes les situations. N’ayons pas de tabous et proposons des réponses aux problèmes que nous connaissons tous.

C’est pourquoi la question de la PMA post mortem doit être abordée. Ne pas l’autoriser alors qu’un projet parental était engagé reviendrait, là encore, à créer une injustice. Si une femme seule peut recourir à la PMA grâce aux gamètes d’un tiers donneur, qu’est-ce qui justifierait qu’une femme dont le défunt mari a autorisé l’utilisation de ses gamètes ne puisse poursuivre ce projet parental ?

Fermer les yeux sur cette question serait à la fois injuste, traumatisant et absurde.

Que répondrons-nous, chers collègues, à une femme endeuillée enjointe de donner ou détruire les embryons conçus avec son compagnon et invitée à poursuivre son parcours avec un tiers donneur ?

Naturellement, des conditions doivent être posées. D’abord, il faudrait un consentement exprès, afin de garantir que l’insémination post mortem a été souhaitée et clairement exprimée devant notaire par les deux membres du couple. Ensuite, il conviendrait de réfléchir au délai durant lequel une veuve pourrait décider d’aller au terme de la PMA entamée avec son compagnon décédé, ou de donner les embryons à un couple ayant besoin d’un double don, ou encore de les détruire. Ce délai pourrait fort bien être de deux ans, comme le prévoit la législation belge. Cela semble suffisant sans être excessif : la veuve aurait ainsi le temps de faire son deuil avant de déterminer son souhait. Il serait aussi possible de fixer le délai par décret. Le groupe Socialistes et apparentés a déposé deux amendements afin que ces deux solutions soient discutées.

Pour conclure, je voudrais souligner la faiblesse d’un texte qui ne se saisit pas de toutes les potentialités et évolutions qu’offre la science– je pense notamment aux diagnostics préimplantatoires, les DPI.

Actuellement, il est possible de déterminer, par une analyse chromosomique, si les embryons sont viables ou s’il existe un risque de fausse couche. Or le projet de loi ne permet de procéder à tels examens que dans les cas de familles où il existe une maladie génétique grave bien identifiée. Y recourir de manière plus large permettrait de réduire drastiquement le nombre d’interruption médicale de grossesse, les fausses couches et le taux de grossesse gémellaires, tout en améliorant les taux de réussite des fécondations in vitro, qui sont très faibles en France.

Le groupe Socialistes et apparentés présentera donc deux amendements visant à permettre que de tels examens soient pratiqués. Ces amendements s’inscrivent pleinement dans la philosophie de ce texte, tout en restant dans les limites déterminées par les considérations éthiques de notre temps.

Ma collègue Pau-Langevin vient d’évoquer longuement la question de la levée de l’anonymat des donneurs, levée d’anonymat qui est très attendue par les personnes nées d’un don, pour des raisons d’équilibre. Je n’y reviendrai donc pas.

En conclusion, si la philosophie de ce projet de loi est louable, il conviendrait, pour qu’il s’agisse véritablement et pleinement d’un texte d’ouverture, de se saisir davantage des potentialités qu’offrent la science, la médecine et les évolutions technologiques, dans le respect des principes éthiques les plus précieux, auxquels nous tenons tous. Pour ce faire, il serait nécessaire de gommer les contradictions que le texte porte en lui-même, s’agissant tout particulièrement de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.

Le groupe Socialistes et apparentés se montrera donc ouvert et constructif durant l’examen de ce projet de loi, afin d’en faire un véritable texte de progrès sociaux. Nous voterons en sa faveur. Ouvrir de nouveaux droits est une fierté ; assumons-le jusqu’au bout !

 


 

Ce projet de loi, le quatrième depuis 1994 à concerner le domaine de la bioéthique, nous interpelle tous, au-delà de nos opinions politiques, car il touche à l’intime et à nos convictions profondes, dans des domaines aussi essentiels que l’accès à la vie, la filiation ou l’identité de genre.

Depuis 1994, la France a choisi de confier à la représentation nationale la définition des règles en matière de bioéthique. Comme l’ont souligné les intervenants précédents, comme on peut le voir aussi, ce débat est délicat, car le parlementaire doit concilier des impératifs souvent contradictoires et trancher. Il nous faut faire fi de nos certitudes et nous abstraire des conditionnements que, souvent, notre vie, notre éducation, nos convictions religieuses ou nos origines nous imposent souvent, pour appréhender l’intérêt général, prendre en considération les extraordinaires avancées réalisées depuis des années par les chercheurs et les médecins et tenter de les encadrer, au regard des principes fondamentaux qui régissent notre société.

Je peux tout à fait comprendre que, sur ces sujets, nos collègues expriment – parfois, avec beaucoup de passion – des opinions contradictoires. En effet, c’est un domaine dans lequel on réfléchit en conscience. Toutefois, nous avons à constater aujourd’hui les progrès accomplis en matière juridique, ainsi qu’en matière démocratique, puisque ont été menés une concertation et un débat public très larges, avec une consultation de tous les organismes importants, qu’il s’agisse du Conseil d’État ou de ceux de la société civile.

Aujourd’hui, après un large débat sociétal, il nous appartient de trancher, loin des pressions et des conceptions personnelles des uns et des autres. En tant que législateurs, nous avons pour mission de rechercher l’intérêt général. Cela est particulièrement important lorsque l’on est face à des progrès scientifiques qui peuvent, parfois, permettre des avancées et des innovations effrayantes : la fabrication de chimères et autres monstres est à notre portée. Il nous faut donc répondre à la fois au développement exponentiel de la science et aux demandes nouvelles et aux débats inédits qui, liés aux progrès de la science, surgissent dans nos sociétés.

De nombreuses personnes souhaitent aujourd’hui procréer, alors que la nature, autrefois, ne le leur aurait pas permis. Ce désir est-il pour autant illégitime ? Non. Je pense que, si nous avons le moyen d’y répondre, il faut le faire, tout en encadrant ces attentes légitimes et ces possibilités nouvelles, pour tenir compte des valeurs fondamentales de notre société, et, surtout, de l’intérêt des enfants.

Ce texte sur la PMA est une suite logique des discussions sur le mariage pour tous, dont nous avons débattu sous le quinquennat précédent, et qui avait été une manière d’ouvrir la porte à ces possibilités nouvelles. Comme l’a souligné Valérie Rabault, nous sommes bien entendu, par principe, favorables à ce que de nouveaux droits soient ainsi reconnus aux couples de femmes et aux femmes seules – c’est d’ailleurs une idée que nous défendons depuis longtemps. Certains disent qu’il s’agit d’une manière de faire naître des enfants qui, sans référence paternelle, n’iront pas bien. Pourtant, rappelons que, par le passé, beaucoup de femmes ont dû accepter d’élever seules leurs enfants, parce que le père s’était esquivé ; heureusement, lorsque ces enfants ont été élevés avec amour, ils se portent aujourd’hui très bien. Ce qui changera aujourd’hui avec le projet de loi, et qui peut expliquer certaines réticences, c’est que la situation était auparavant subie ; désormais, elle sera organisée par les femmes elles-mêmes, loin des malédictions qui les ont frappées durant des siècles. C’est une situation nouvelle, mais après tout, pourquoi pas ? C’est une manière d’achever la maîtrise de la femme sur son corps, qui me semble positive.

Nous devons à présent avancer, en gommant du texte les dernières discriminations subsistantes, liées à l’orientation sexuelle. Il est bien que nous ayons renoncé à l’évaluation psychologique complémentaire, initialement prévue pour les femmes seules, et que, s’agissant du mode d’établissement de la filiation, nous nous rapprochions le plus possible du droit commun existant pour les autres couples.

D’autres sujets nous posent des questions redoutables, comme l’assistance médicale à la procréation post mortem. Le législateur a toujours refusé de l’autoriser ; il est vrai que, pour l’enfant ainsi conçu, le contexte psychologique peut être lourd. Toutefois, dans la mesure où nous étendons le bénéfice de la PMA aux femmes seules, la logique du texte fait tomber cet argument. Comment, en effet, ne pas autoriser la suite du projet parental formé par un couple, une fois que la femme se retrouve seule ?

S’agissant de la levée de l’anonymat dans le cadre de la relation entre donneur et receveur, on peut s’interroger sur la réaction des donneurs lorsque leur identité aura été révélée à l’enfant. Toutefois, les textes internationaux que nous avons ratifiés, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme, reconnaissent à l’enfant le droit de connaître son origine. C’est un droit fondamental, nécessaire à son équilibre et à la préservation de sa future personnalité. Nous ne pouvons pas continuer, dans notre pays, à priver des personnes de leur origine, de leur identité et, surtout, d’antécédents médicaux qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur leur santé et leur vie. Le texte va donc dans la bonne direction.

Sur la question du don croisé, il arrive aujourd’hui que des receveurs trouvent un donneur dans leur famille, quelque part en France, avec lequel ils ne sont pas compatibles. Autoriser, sous le contrôle et après avis de 1’Agence de la biomédecine, davantage de dons croisés entre plusieurs paires de donneurs, me semblerait une avancée positive.

Nous ne pouvons pas non plus esquiver ce débat, très tendu au sein de la commission, sur le diagnostic préimplantatoire. Peut-on réaliser un DPI pour éviter d’implanter à une femme des embryons porteurs d’anomalies susceptibles de favoriser les fausses couches ? Les lois de bioéthique de juillet 1994 autorisent cette pratique uniquement dans le but d’éviter la transmission d’une maladie génétique ou chromosomique reconnue. Actuellement bien encadrée, cette pratique n’a pas entraîné de dérives. Il nous semble donc possible d’autoriser le DPI sur des cellules qui ne possèdent pas le nombre normal de chromosomes, en faisant bien attention d’en encadrer les conditions. Je sais que certains pensent qu’une telle pratique ouvre la voie à une forme d’eugénisme ; toutefois, je ne trouve pas raisonnable de pratiquer une implantation – intervention délicate pour une femme – pour autoriser, quelques semaines plus tard, une interruption médicale de grossesse au prétexte que l’embryon se sera révélé porteur d’anomalies. Il faut franchir le pas et donner la possibilité de ne pas implanter des embryons dont on sait qu’ils ne sont pas viables et qu’ils déboucheront sur une fausse couche.

S’agissant de la distinction entre la recherche sur l’embryon et celle sur les cellules souches embryonnaires, la possibilité offerte aux chercheurs de simplement déclarer leurs protocoles, et non plus de demander des autorisations délivrées par l’Agence de la biomédecine après un processus lourd, permettra de faciliter les recherches porteuses d’un véritable enjeu scientifique et médical pour les années à venir. Là encore, il faudra encadrer très précisément de telles recherches, si on ne veut pas que des savants fous nous recréent des golems.

Enfin, le débat en commission sur la question de la fertilité a démontré la nécessité d’informer les jeunes gens sur le sujet. En effet, des femmes toujours plus nombreuses sont engagées dans la vie professionnelle, ce qui retarde l’âge de la procréation et peut créer des problèmes de fertilité. Il faut donc que l’éducation nationale prenne sa part de responsabilité en la matière.

Ces débats sont essentiels et passionnants, mais difficiles. Notre société a besoin d’une déontologie adaptée à son temps et au mouvement continu de la recherche et de la science. Il nous faut accompagner socialement et politiquement des droits nouveaux permettant d’utiliser au mieux les avancées thérapeutiques et médicales actuelles, dans l’intérêt de tous.

Cependant, il nous faut également faire attention à ne pas laisser la porte ouverte à des innovations débridées qui pourraient attenter à la dignité des êtres humains, voire à leur qualité même d’être humain. Le texte parvient, pour l’essentiel, à respecter cette indispensable ligne de crête. Nos débats nous permettront sans doute d’avancer et d’améliorer ce texte déjà intéressant, que nous abordons positivement.

 


 

Si j’ai décidé de prendre la parole aujourd’hui, c’est pour défendre une vision moderne mais néanmoins raisonnable et réaliste de la société française. Les lois de bioéthique sont des lois complexes, qui appellent à la prudence et à une profonde réflexion sur notre société, nos modes de vie et le devenir de l’humanité. J’aborde donc les débats à venir avec mes convictions, certes, mais aussi avec une grande modestie et dans le respect de chacun.

Le texte qui nous est présenté aborde de nombreux sujets, ô combien importants pour définir le cadre social, sociétal et médical qu’il convient d’adopter pour la France.

Il y a d’abord la question, certainement la plus sensible politiquement, de l’extension de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. Ensuite, il sera question de différents types d’interventions techniques sur le corps humain soulevant des questions éthiques : autoconservation des gamètes, dons d’organes, recherche sur les cellules souches embryonnaires notamment. Enfin, il sera question de définir les règles d’une recherche responsable en lien avec la médecine génomique.

En tant que socialiste, je me dois de commencer mon intervention par un hommage sincère au gouvernement et à la majorité précédents, pour avoir eu le courage d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe. J’ai une pensée spéciale pour Mme Christiane Taubira, à qui ce pays doit beaucoup.

Sans ce travail préalable et cette ouverture du mariage aux couples de même sexe, la loi de bioéthique que nous allons examiner cette semaine serait anecdotique.

Alors oui, je veux remercier tous ceux qui, à l’époque, ont tenu bon et ont permis une avancée sociétale majeure, la possibilité pour les couples de même sexe de se marier.

Aujourd’hui, il est question de PMA, et plus particulièrement de son extension aux couples de femmes et aux femmes seules. Les problématiques qui nous sont posées sont les suivantes. D’une part, faut-il ou non accompagner sur le plan médical les femmes célibataires qui veulent avoir un enfant toutes seules, en leur permettant d’accéder, comme les couples hétérosexuels infertiles, aux techniques de procréation médicalement assistée ? D’autre part, faut-il permettre aux couples de femmes d’être médicalement accompagnés afin d’avoir recours à la PMA, comme c’est le cas pour les couples hétérosexuels ?

Concernant les femmes seules, les opposants estiment que l’absence de père serait un problème pour la constitution d’une famille et le développement de l’enfant. Ils oublient qu’un quart des familles de notre pays sont aujourd’hui monoparentales, selon les données de l’INSEE. À ce sujet, le Comité consultatif national d’éthique s’est positionné en faveur de l’ouverture de la PMA aux femmes seules, au nom de « la demande des femmes et la reconnaissance de leur autonomie ; l’absence de violence liée à la technique elle-même ; la relation à l’enfant dans les nouvelles structures familiales ».

En l’espèce, je crois qu’il faut regarder les choses en face et écouter les familles. L’absence de père, contrairement aux idées reçues, suscite dans les familles monoparentales une attention particulière qui les amène à s’entourer de présences masculines qui peuvent jouer le rôle de tiers et offrir des figures d’identification. Il n’y a donc, à mon sens, pas de danger pour le développement des enfants. L’absence d’altérité dans un couple ou une famille monoparentale ne pose pas de problème en soi : c’est lorsque la société renvoie une image négative qu’il y a potentiellement des conséquences néfastes pour les enfants.

D’où notre soutien à la normalisation de la famille monoparentale, quel que soit le mode de conception des enfants.

S’agissant de l’accès à la PMA pour les couples de femmes, il s’agit, à mes yeux, de mettre fin à une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Jusqu’à présent, les couples hétérosexuels avaient le droit de recourir à la PMA ; il était donc urgent d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, pour mettre fin à cette injustice.

Par ailleurs, le mariage étant ouvert à tous les couples, la PMA doit logiquement s’étendre aux couples de femmes souhaitant procréer, faute de quoi nous évoluerions dans un système sociétal incohérent et inique.

Il est donc clair, me semble-t-il, que nous avançons dans le bon sens en ouvrant la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Je soutiendrai cette réforme, ainsi que la prise en charge financière des actes de PMA pour les couples de femmes et les femmes célibataires, selon les modalités de prise en charge prévues pour les couples hétérosexuels.

Un dernier point au sujet de la PMA, s’agissant de son ouverture post mortem : il faut ici s’attacher à lever l’interdit pesant sur le transfert d’embryons et l’insémination post mortem avec les gamètes du mari prélevés avant son décès.

En effet, il me semble paradoxal et injuste qu’une femme seule ait accès à la PMA avec un tiers donneur, alors même qu’il serait interdit à une femme qui avait un projet de PMA – c’est bien le projet qui importe – avec son époux décédé. Il faut être attentif à l’intention du couple et au consentement. Or le décès d’un époux ne change en rien son consentement ou son intention. C’est la situation qui change, le contexte, et non sa volonté ni son choix.

Par ailleurs, priver une femme d’un enfant après que la vie l’a privé d’un époux est brutal. Toutefois, l’ouverture de la PMA post mortem doit être assortie d’un accompagnement médical et psychologique.

En matière de filiation, j’estime que l’inscription de la reconnaissance conjointe de filiation dans l’acte de naissance des enfants de couples de femmes est de nature à constituer une nouvelle discrimination entre les couples, selon qu’ils sont homosexuels ou hétérosexuels, ainsi qu’entre les enfants issus d’une PMA. Cette discrimination doit être écartée lors de l’examen du texte, faute de quoi le projet de loi porterait en lui une injustice majeure.

S’agissant de l’autoconservation des ovocytes, je suis favorable à l’autorisation de l’autoconservation des gamètes, pour les femmes comme pour les hommes, car nous entrons dans la vie active de plus en plus tard, ce qui retarde bien souvent les possibilités de procréation des couples.

Par ailleurs, il importait d’interdire à toute entreprise la prise en charge des frais de conservation des gamètes, comme l’assurent certaines entreprises américaines pour retarder les maternités de leurs employées. Sur ce point, la commission spéciale doit être félicitée.

Au sujet de l’interruption volontaire de grossesse pour raison médicale, je tiens à rappeler mon opposition à la superposition à la clause de conscience générale de toute clause de conscience spécifique relative à l’IVG. Ce sujet a fait l’objet de nombreux amendements déposés par notre groupe lors de l’examen du projet de loi santé, et d’une proposition de loi déposée au Sénat.

Nous sommes favorables à la suppression de la clause de conscience spécifique permettant aux médecins de refuser de pratiquer une IVG. Je rappelle qu’une clause de conscience générale leur permet d’ores et déjà de refuser tout type d’actes médicaux. Elle est suffisante : il n’est nul besoin de stigmatiser l’IVG.

Ainsi, j’aborde l’examen du présent projet de loi avec bienveillance, motivé par le besoin de supprimer les discriminations existantes et de voir notre société évoluer paisiblement vers des techniques médicales éthiques, mises au service des hommes et des femmes de ce pays.

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