Loi mobilités – Explication de vote de Christophe Bouillon

 

Nous avons choisi d’aborder ce texte tant attendu avec la foi de ceux qui savent que parler de mobilité, c’est parler aux Français ; avec la foi de ceux qui, en la matière, ont été inspirés par nos anciens collègues Philippe Duron, Gilles Savary, Rémi Pauvros ou Jean-Paul Chanteguet, dont la production parlementaire et les réflexions ont alimenté notre assemblée durant de longues années.

 

Nous avons donc regardé ce projet de loi avec sérieux, en nous posant des questions somme toute assez simples. Ce texte répond-il à l’urgence écologique et à la désespérance sociale ? Pour le dire autrement, conjugue-t-il la fin du monde avec la fin du mois ?

 

Le domaine des transports représente une part importante de nos émissions de gaz à effet de serre et de notre consommation énergétique. La course contre la montre qui engage notre civilisation nous impose d’aller vite et d’aller loin. On ne peut se permettre de tergiverser. L’horizon de 2030 est, en effet, celui que nous indiquent les scientifiques pour inverser la pente fatale que nous prenons. C’est l’horizon des jeunes d’aujourd’hui qui seront adultes demain. Comparable à l’obligation alimentaire qui lie des parents à leurs enfants, une obligation écologique a émergé.

 

L’autre urgence est sociale, et les mouvements récents nous ont rappelé que notre pays était traversé par des fractures territoriales et sociales, surtout en ce qui concerne les mobilités. Il y a une France qui a le choix et une France qui n’a pas le choix ; une France mobile et une France immobile.

 

Pour revenir au texte, nous lui trouvons sept défauts. Ce ne sont certes pas les sept péchés capitaux, mais quand même… Le premier des défaut est d’arriver un peu tard. Je ne comprends toujours pas pourquoi la LOM n’a pas suivi les Assises de la mobilité, pourtant unanimement saluées. Que de temps perdu, sans doute, dans les sables mouvants de Bercy ! Nous étions enthousiastes. Il y avait là des orientations intéressantes. Il fallait marquer le coup mais, malheureusement, cela n’a pas été le cas. Tout ce temps ne nous a même pas servi à obtenir le rapport Philizot, relatif à l’avenir des petites lignes ferroviaires.

 

Le deuxième défaut est le manque de financement.

 

Plusieurs centaines de millions d’euros par an manquent en effet à l’appel pour mettre la partition en musique. On nous a fait voter, à guichets fermés, un plan pluriannuel d’infrastructures pour la mise en œuvre duquel, on le sait déjà, il manquera au bas mot 500 millions d’euros par an. Ce n’est pas moi qui l’invente : récemment encore, des membres éminents de la majorité s’en sont émus dans une tribune publiée dans le journal Les Échos.

 

Et s’il vous plaît, ne nous faites pas le coup de l’héritage, ou alors avec modération ! Dire, par exemple, que rien n’a été fait avant, c’est oublier un peu vite les dizaines de milliards investis depuis dix ans pour la réalisation de routes, de lignes à grande vitesse, de kilomètres de réseaux de transports en commun et d’ouvrages rénovés. Dire que l’effort n’a pas été suffisant, pourquoi pas. Mais, entre le néant et l’insuffisant, il y a une marge. Nous avons fait plusieurs propositions pour trouver des sources de financement pérennes ; elles avaient, de surcroît, l’avantage d’engager un changement des comportements. Je pense, par exemple, à la suppression de l’exonération de la TICPE sur le kérosène. Nous avons également proposé un grand emprunt pour financer des infrastructures qui relèvent du temps long.

 

On l’a bien vu, des tabous demeurent, et le changement des vieilles habitudes n’est pas à l’ordre du jour. C’est d’ailleurs là un troisième défaut. Le texte fait l’impasse sur l’aérien, remettant cette question à plus tard, même si j’ai bien entendu, madame la ministre, votre volonté d’engager la réflexion. La décarbonation des transports, elle, n’attend pas. Il y aura toujours mille et une bonnes raisons de ne pas agir ou de renvoyer à plus tard. Du courage et de l’audace, voilà ce que l’on attend de nous.

 

De l’audace, il en faut également sur le plan social. Vous créez une prime « mobilités durables » en complétant un dispositif qui existait déjà. Super ! Mais pourquoi ne pas la rendre obligatoire ? Vous nous dites qu’il ne faut pas obliger les entreprises au prétexte qu’elles n’auraient pas respecté leurs obligations s’agissant des plans de déplacements. Avec ce genre d’argument, on ne risque pas de faire grand-chose. Autant leur laisser les clés de la maison France ! Le laisser-faire, en matière d’environnement, ce n’est pas le meilleur argument.

 

Le quatrième défaut, c’est de donner aux collectivités locales plus de compétences sans leur donner de véritables moyens pour les exercer : c’est une forme de décentralisation sans transfert de charge – ou plutôt avec seulement des miettes. Le risque est grand que, demain, les collectivités chargées des mobilités soient amenées à augmenter les impôts.

 

Le cinquième défaut, c’est d’être faible sur les outre-mer : nous souhaitions que les propositions de notre collègue Serge Letchimy soient reprises.

 

Le sixième défaut, c’est de renvoyer au projet de loi de finances la question du financement. Ce n’est jamais bon signe ! Avec ce texte vous bridez les trottinettes, mais, au moment de la discussion du budget, c’est Bercy qui risque de brider la loi sur les mobilités !

 

Le septième défaut, c’est d’abuser du joker Europe. Sur plusieurs sujets, et non des moindres, vous nous renvoyez à l’Europe, toujours à l’Europe. C’est une autre façon de dire : ce n’est pas nous, ce sont les autres. S’il faut attendre la renaissance de l’Europe pour avancer, la banquise aura complément disparu avant que nous ayons progressé, j’en ai peur.

 

Voilà sept défauts qui ne sont pas tout à fait les sept péchés capitaux de la LOM, mais qui nous invitent à nous abstenir.

Accessibilité