Quelle démocratie sommes-nous si nous refusons d’entendre les opinions dissonantes dans une commission d’enquête ?

Suite à la parution d’un écho sur les auditions envisagées par la commission d’enquête sur la  déontologie et les pratiques du maintien de l’ordre, je crois utile de préciser les points suivants.

Le groupe Socialistes et apparentés a demandé, et obtenu sur son droit de tirage annuel, la constitution d’une commission d’enquête sur ce sujet, suite à l‘altération perceptible du lien de confiance entre une partie de la population et les forces de l’ordre, lien essentiel pour la cohésion nationale et la solidité de notre pacte républicain.

En effet, même si nous sommes tous convaincus de la difficulté du métier exercé par les forces de l’ordre et conscients de leur rôle essentiel pour notre protection à tous, un certain nombre de pratiques de la police au quotidien méritent d’être interrogées comme les contrôles d’identité, les techniques utilisées lors des interpellations, l’utilisation d’armes non létales comme le LBD-40.

Pour faire cette enquête, il faut bien entendu entendre à la fois les forces de sécurité, leurs chaines de commandement, leurs organisations syndicales, mais aussi ceux qui, à tort ou à raison, estiment devoir se plaindre de leur action.

Les services de l’Assemblée nationale, ainsi que divers autres membres de la commission, ont préparé une liste de personnes susceptibles d’être auditionnées. La rapporteure que je suis a donné un avis positif pour la hiérarchie des forces de l’ordre, les organisations syndicales, les chercheurs, des représentants du monde associatif et diverses personnes se disant vic-times de violences ou de dysfonctionnements.

J’ai été empêchée d’assister au dernier bureau de la commission d’enquête la semaine dernière car placée à l’isolement pour suspicion de Covid-19. Alors que la rapporteure est la seule personne de son groupe à être membre du bureau, ce dernier semble s’être prononcé sur cette liste malgré son absence.

L’Assemblée nationale ne peut aller au fond des choses et faire un travail utile que si elle entend des points de vue variés avant d’adopter des propositions. Quelle démocratie sommes-nous si nous refusons d’entendre les opinions dissonantes même si elles sont injustes, avant d’énoncer une conclusion ? 

Il est évident que cette discussion doit être reprise, sauf à ce que la commission d’enquête soit vidée de son intérêt.

George PAU-LANGEVIN
Députée de Paris
Ancienne Ministre
Rapporteure de la Commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre

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